Les Nouvelles Grosses Coupures, Enjeux et Signes pour l’Economie Nouveaux Billets de 5000 et 2500 gourdes

 



Les Nouvelles Grosses Coupures, Enjeux et Signes pour l’Economie

Nouveaux Billets de 5000 et 2500 gourdes

Le 13 avril 2021 à l’occasion du 11e sommet de la finance organisé dans les locaux de la BRH : Le gouverneur de la banque centrale Mr Jean Baden Dubois en a profité pour annoncer  la prochaine mise en circulation de deux  nouvelles coupures à savoir des  billets de 2500 et de 5000 gourdes. Une situation accueillie tièdement et inquiétant plus d’un, surtout compte tenu de la situation sécuritaire actuelle. « Je ne m’imagine pas me faire voler un billet de 5000 gourdes » a déclaré une étudiante en économie à l’UNDH. 

La monnaie fiduciaire représente la monnaie la plus utilisée dans le monde et est très utile principalement pour les achats et dépenses courantes. (Journal du Net, 2021).  Elle va plus loin qu’un simple dénominateur de transactions commerciales, mais peut-être aussi  l’expression de la souveraineté nationale considérant que les effigies qui y sont imprimées représentent des valeurs nationales. La banque centrale c’est l’organisme chargé  de décider  de la mise en circulation des plus gros billets. Mais quels sont les faits qui peuvent pousser la BRH   à imprimer de plus grosses coupures ?

 

L’inflation

L’inflation représente l’augmentation du niveau général des prix des biens et services. Plus le taux d’inflation augmente plus les agents ont besoin de liquidités pour satisfaire leurs besoins. Dans l’histoire, plusieurs économies ont eu recours à l’impression de grosses coupures à cause de l’inflation c’est le cas par exemple pour le Zimbabwe ayant imprimé des billets de 100 000 milliards de dollars en 2009 ou de la Yougoslavie qui a émis des billets de 500 milliards de dinars en 1991 ou plus récemment le cas du Venezuela qui imprime des billets de 1000000 de bolivars en 2021. (Galeza & Chan, 2018).  Or en Haïti, on connait une inflation qui accuse toujours une tendance à la hausse. Sa valeur était de 17,2% en mars dernier, et la situation tend toujours à s’aggraver. (BRH, 2021). Ainsi, on peut comprendre que l’émission des billets de 2500 gourdes et de 5000 gourdes comme  une conséquence directe de l’inflation déjà présente dans l’économie. Et si aucune solution de relance n’est  envisagée, on peut très fort redouter l’hyperinflation. De ce fait on peut aussi s’appuyer sur le fait que l’impression de ces nouveaux billets, pour conclure  que la situation économique  ne va pas en s’arrangeant si bien que Kesner Pharel a déclaré sur les antennes de la Radio Métropole : « Nous sommes à l’heure des bilans  et le 1er semestre de 2021 s’est avéré catastrophique. Nous nous dirigeons sans doute vers la 3e année consécutive de contraction économique. C’est sans doute les conséquences de cette contraction que la BRH anticipe. »  (Pharel, 2021).

Prépondérance du Cash comme moyen de paiement en Haiti et la préférence pour les grosses coupures.

Si dans plusieurs pays comme la France, les USA on constate, sur les 5 dernières années,  l’émergence des nouvelles technologies en matière de paiement comme par exemple le paiement électronique,  par mobile ou par monnaie  digitale, en Haïti nous n’avons même pas franchi le Cap de l’utilisation des cartes bancaires.  En effet, en 2015 le nombre d’utilisateurs réguliers de carte bancaires était de 35 000 pour 10 millions d’habitant. (Dieudonne, 2015). Tout ceci pour expliquer qu’en Haïti, la majorité des paiements sont effectués en espèce. En outre, on peut aussi constater que les agents ont plus recours aux billets de 500 et de 1000 gourdes. On voit de moins en moins les billets de 250 gourdes et les billets de 10 gourdes et les pièces de monnaie sont presque inexistantes.  Donc, la BRH doit pouvoir répondre à la demande en billets à grosses valeurs faciales.

 

Couts de fabrications des billets de Banque et seigneuriage

L’impression et la distribution  des billets de banque requièrent en général un cout  que la banque centrale doit supporter lequel est différent de la valeur nominale  du billet. Par exemple la BRH ne dépense pas 10 gourdes,  pour produire un billet de 10 gourdes.  De ce fait, plus le cout de production d’un billet est élevé moins la BRH sera encouragée à produire des billets à faible valeur faciale. Avec  l’inflation et la préférence des agents pour les gros billets, il est préférable pour la BRH d’investir dans l’impression des billets de grosses coupures. Par exemple, en 4 ans la BRH a dépensé 65 millions de dollars pour la production de billets. (Lalime, 2021). Si 4 ans plus tard, la BRH désire produire un nombre de billets de  même valeur monétaire, le cout sera moindre  avec l’impression des nouveaux  billets de 5000 et de 2500 gourdes.  Par exemple, produire 10 milliards de gourdes en billets de 5000 gourdes coutera  à peu près de 5 fois moins d’argent  que produire cette même somme en billets de 1000 gourdes en supposant que les couts de production d’une unité des deux billets sont égaux.

L’impression de ces nouveaux billets sera aussi bénéfique pour la BRH qui verra son revenu découlant  du monopole de la production  de billets ou seigneuriage augmenter.


Les signes pour l’économie

L’impression de ces nouveaux billets est un signe que l’économie va en s’aggravant  et que la dépréciation de la gourde s’accentue. Pour comprendre la situation, il faut bien se référer à l’évolution de  la valeur réelle de  5000 gourdes sur les 2 dernières décennies en le comparant au dollar américain.

Nous basant sur les données fournies par la BRH, au début de juin 2001, le taux de change était de 23,478 gourdes pour  1 $ donc  5000 gourdes équivalaient aux environs de 212 dollars. En juin 2011, le taux de change était de   40,2632 gourdes pour 1$. Ce qui faisait 124 $ pour 5000 gourdes. En date du 3 juin 2021, on peut constater qu’il nous faut 89,7967 gourdes pour 1$, soit 55,68 $ pour 5000 gourdes.  Ce qui signifie qu’avec une même somme de 5000 gourdes  en 2021, on a environ 2 fois moins de pouvoir d’achat qu’en 2011 et  voire même 3 fois moins qu’en 2001. Une situation sans doute alarmante qui confirme le fait qu’être en possession de plus gros billets ne traduit en aucun cas une augmentation du pouvoir d’achat. (BRH, 2021).

Si certains se réjouissent du fait que ces nouveaux seront bénéfiques lors de grosses transactions dans le sens qu’ils permettront de passer un peu inaperçu sous les yeux des bandits  mais que dire de la corruption qui peut en découler ? Car il y aura toujours des malfrats qui auront tendance à concevoir de faux billets surtout lors des premiers mois de la mise en circulation des billets lorsque les utilisateurs ne savent pas encore comment distinguer les vrais des faux.

Devant cet état des faits, accentué de l’inexistence des politiques de relance, on se demande  si on ne doit pas s’attendre à l’impression des billets de avec 6 ou 9 zéros?  Certaines démarches comme le lancement de la monnaie électronique de la BRH sont envisagées  comme mesure pour diminuer la prédominance du Cash, mais  à coup sûr il ne suffira pour produire un impact considérable. Car de grands changements efficients et efficaces proviennent de grandes mesures efficaces et efficientes lesquelles sont tributaires d’une situation politique et sociale stable.

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